La Danse "Tango argentin"

Le tango n'a pas besoin d'adjectifs. Il n'est pas « milonguero » ou « nuevo » (deux mots tarte à la crème avec peu de fondements, porteurs de simplifications abusives donc inexactes, mais très « marketing »), il n'a pas besoin être défini par croisement avec les arts martiaux, la psychanalyse, les sagesses orientales  ou affublé d'un quelconque qualificatif plus ou moins avantageux. 

Il est comme la République : Un et Indivisible... même s'il est, et doit rester, diversité et personnalité. 

Le restreindre à une forme ou à un style serait l'appauvrir, car il a vécu et continué à vivre par sa capacité à innover en bousculant les conservatismes formels, mais aussi en gardant en permanence le souci de la qualité d'un dialogue non verbal et d'une connexion. Nous croyons que personne n'est propriétaire d'un « vrai tango » qui serait conforme à une authenticité historique fantasmée (d'ailleurs qui danse aujourd'hui le style orillero, ou le canyengue ? tout le reste s'est construit en rupture par rapport à ça…) 

Les débats sur l'authenticité de l'abrazo ouvert ou fermé et leurs avantages respectifs apparaissent de plus en plus désormais comme un non-

sens. Il apparaît aujourd'hui qu'il faut savoir de plus en plus passer de l'un à l'autre, et que toutes les nuances intermédiaires sont possibles. 

L'apprentissage du tango c'est un débat de chacun avec son corps, son mental et la façon d'échanger avec un partenaire. C'est la recherche (difficile et longue le plus souvent) de la maîtrise des fondamentaux  (marche, poids du corps, mouvement par le centre et l'intention, connexion, posture, musicalité, qualité du pivot, exploration des diverses qualités de mouvement…). Des fondamentaux qu'on n'a jamais fini de travailler ! A tel point que nous croyons volontiers que la figure n'est en réalité qu'un résultant de ces fondamentaux et un prétexte à affiner ceux-ci. 

« L'intérêt de maîtriser une technique, c'est qu'elle permet d'exprimer un sentiment » disait Picasso. Et nous sommes bien d'accord avec lui. Le travail technique, par nature imparfait et à améliorer, doit être mis au service de la créativité, du jeu, de l'improvisation. 

Et c'est cet état d'esprit auquel nous avons pensé donner un espace au travers des practicas proposées où l'échange et la recherche sont privilégiées. 

Mais l'idée incontournable est que le lieu d'expression du tango par excellence, c'est le bal. Et que toute la recherche du danseur y aboutit forcément un moment ou un autre. Tout l'apprentissage du danseur vise et doit aboutir à l'expression de sa personnalité propre au travers de la danse. Un style ne s'enseigne pas, ne se copie pas, il se construit dans le cerveau et le corps de chacun. C'est la prise en compte de cette démarche par le plus grand nombre que nous recherchons. 

 

Pour ce qui est de la transmission du tango, elle est aussi emprunt, échange, inspiration, éclairages et ne peut résulter d'un diplôme, nécessairement sans signification profonde. 

Nous faisons notre ce texte très pertinent de Matias Facio (ex enseignant à Tango Brujo à Buenos Aires, et désormais à Berlin): 

« Qu'est-ce que le tango et comment il se transmet ? 

- C'est une danse, pour laquelle, à partir du premier moment ou l'homme et la femme se prennent dans les bras, il s'agit pour eux de réussir à se rencontrer, non seulement d'un point de vue technique mais à travers le quotidien, l'émotionnel, c'est une danse dans laquelle chacun s'attache à résoudre cette incertitude anxieuse de la rencontre... Cette danse est rendue possible par l'intégration totale par des deux danseurs d'un code d'écoute-proposition-acceptation-confiance. C'est une danse "sociale" (sociétale). 

- Cela signifie que n'importe quelle personne, de n'importe quel âge, condition physique ou mentale, peut danser le tango et qu'il n'existe pas une unique, ou deux ou trois uniques forme strictes pour l'enseigner, mais plutôt qu'il y a de nombreux chemins d'acceptation de soi-même qui mènent le danseur vers une maturation de sa relation avec cette danse. Le danseur plus habile ou qui développe le plus de capacités est celui qui a su intégrer les codes d'écoute-proposition-acceptation-confiance déjà mentionnés. 

- Cette danse, surgit d'un métissage culturel mondial inégalable, est patrimoine de l'humanité, parce qu'elle reflète toutes les formes de rapprochement du couple au moment de danser. Les femmes et les hommes dansent la façon de se mettre en relation, dansent l'histoire qui est la leur depuis le début de l'humanité. 

- Le "professeur" ou "maestro" n'est ni plus ni moins qu'un facilitateur (transmetteur) qui se passionne pour ce travail, pour le plaisir de partager sa petite ou grande connaissance de cette danse. C'est clair pour tous , depuis les plus avancés jusqu'aux moins avancés, qu'il y a toujours à apprendre et que le caractère social de cette danse fait que nul ne sait avec qui il va danser la plupart du temps : cela implique qu'il lui faudra rencontrer sur son chemin beaucoup d'hommes et de femmes à différents niveaux de connaissance : pour cette raison, on ne peut pas parler d'un apprentissage d'une ou peut-être deux techniques, mais de l'accession à un code commun pour communiquer : écoute-proposition-acceptaton-confiance. 

La transmission du Tango à Buenos Aires : 

- Il n'existe pas officiellement d'Université du Tango qui soit reconnue, non seulement au niveau d'un Ministère, mais au niveau d'un véritable parcours de formation de danseurs. 

- La non-officielle Université du Tango, a pour but simplement, d'amener de plus en plus de personnes au tango, certaines ayant des vocations tangueras, en leur procurant un lieu ou elles peuvent développer cet art : chant, musique, danse. Je dois signaler, qu'en tant que "transmetteur" de cette danse, j'ai beaucoup d'élèves qui proviennent de cette université , avec des niveaux très bas, dus au fait que ce n'est pas l'objectif majeur de cette institution que de former des danseurs. 

- Il existe aussi une association qui travaille à la transmission des styles de tango des vieux grands danseurs ("milongueros"), partant du principe qu'ils furent les porteurs du tango rioplatense, et qu'ils sont les détenteurs d'une esthétique tanguera d'une valeur inégalable. Les élèves apprennent à danser "à la manière de;" mais n'intègrent pas une connaissance scientifique, puisque cette connaissance-là n'existe pas. 

- Quant aux académies de tango, elles échappent à une technique unique, car tous les professeurs enseignent différemment, puisqu'il n'y a pas une seule manière de danser mais qu'il y a autant de façon de danser qu'il y a de danseurs. 

- Il est impossible de dire qui peut être professeur ou non, car aussi nombreux que nous sommes et de tous niveaux, nous ne sommes que des passeurs /transmetteurs qui alimentons les danseurs pour qu'ils trouvent un chemin personnel à l'intérieur de leur propre danse. Nous sommes en même temps tous, élèves d'autres professeurs, et de nous-mêmes, vu que personne ne peut détenir dans sa totalité la connaissance née de l'expérience de milliers de danseurs. 

Matias Damián Facio 

Bailarín Social de Tango Argentino 

Buenos Aires 
Argentina 

- divers styles dansés :

- Creation Tango et adaptation clip :

La musique Tango

Nous ne croyons pas que la pratique du tango puisse être déconnectée de la connaissance de sa musique sans être affectée par les insuffisances et la stagnation. 

Ca ne veut pas dire qu'il faille transformer systématiquement les danseurs en musicologues érudits. Mais il nous semble indispensable que quiconque veut s'imprégner de l'esprit du tango puisse au minimum être capable d'identifier les caractéristiques des orchestres principaux, ne serait ce que pour pouvoir adapter sa danse à la musique sur laquelle il évolue. 

Il a besoin  également d'être capable d'identifier quelques éléments de base de la musique, telle que la pulsation de base, les temps faibles et forts (dans le marcato en 2), l'isolation des instruments, la possibilité de faire des pauses… et de jouer avec tous ces éléments là (entre autres)! 


Un travail où chacun doit pouvoir faire preuve d'humilité pour pouvoir se remettre en question et donc progresser dans l'interprétation. Il est très difficile pour la plupart des enseignants-transmetteurs- passeurs de tango, de développer ces éléments dans leurs cours, tant ils sont soumis à une pression de la part des élèves sur l'apprentissage des figures et que la nécessité d'imposer un minimum de travail sur la posture et la connexion, leur laisse très peu de possibilité de mettre l'accent. Nous croyons qu'il est pourtant indispensable de pouvoir développer ces notions là auprès des danseurs … et des autres. 

Si Di Sarli, Pugliese, Canaro et Piazzolla font tous du tango, ils ne font pas le même tango. Enchaîner les mêmes figures sur des musiques porteuses d'énergies différentes est un non sens si on ne veut pas prendre en compte cette diversité et proposer une interprétation en conscience. 

Idem, musicaliser une milonga, un bal, une pratique ne peut dans notre esprit se résumer à passer des disques à la suite. Il y a une notion de gestion des rythmes (quand dynamiser le bal, quand est il nécessaire de calmer le jeu, quand changer d'énergies, quelle coloration donner ? etc..) à posséder. 

De nos jours, le public est de plus en plus sensible à la qualité de la musicalisation et donc exigeant. Il nous semble utile de participer à la démultiplication d'une offre allant qualitativement en ce sens. C'est pourquoi un de nos objectifs est de participer en fonction de nos moyens mais avec toute notre volonté à cette offre, soit directement, par la participation de certains de nos adhérents à la musicalisation des soirées, soit indirectement en délivrant les éléments de problématique de musicalisation aux personnes interéssées afin qu'elles puissent à leur tour y participer.

Caminito tango inscrit donc son action en direction de cet objectif de sensibilisation à la musique. 

La musique tango ne se limite pas dans le temps ni dans la forme. Aussi nous ne sommes pas de ceux qui considèrent que la seule musique tango valable a été créée avant Piazzolla. Nous considérons même que la musique de ce dernier ne constitue ni un nec plus ultra, ni un horizon indépassable et que d'autres formes plus récentes telles que l'électro tango, malgré plusieurs avatars inexploitables, en fait partie. De même nous estimons qu'il est acceptable de considérer que quelques créations musicales participent d'une pulsation tango, même si elles n'en ont pas la forme stricte et peuvent se prêter à la danse tango. Un des objectifs de l'association est de rester ouvert sur ces possibilités musicales dites alternatives. 


A l'inverse, nous estimons que la recherche de modernité n'est pas une fin en soi et que ce n'est pas parce que la musique sort des canons classiques qu'elle est nécessairement bonne ou adaptée. La branchitude n'est pas un étendard, mais un handicap. Au contraire nous estimons que la transgression n'a le droit d'exister que parce que l'objet de la transgression est connu et maîtrisé. La question du lien et de l'ancrage entre tradition et modernité est donc une préoccupation permanente.

Ecoute Musicale "Active"


Le but est de permettre l'acquisition d'une culture musicale du tango par le plus grand nombre de danseurs et de relier les connaissances et analyses sur ces sujets avec leur pratique de la danse. 

Les différents éléments envisagés sont : 

-l'évolution musicale du tango et des styles de danse qu'il a suscité 

-l'éclaircissement sur la structure musicale classique d'un tango 

-certains effets musicaux spécifiques -des exercices simples de musicalité visant à l'acquisition de notions de base (la mesure,  la phrase musicale, concepts de temps forts et faibles, accélération et contretemps, identification de la pulsation, isolation des instruments) 

- une réflexion sur les questions d'interprétation musicale : la gestion de la vitesse , la pause ou le calage des fioritures (quand ? comment ? et surtout pourquoi ?) et éventuellement assorti de supports vidéo 

D'une manière générale ces ateliers se pratiqueront autant avec les oreilles que sur la piste de danse alternativement ou en même temps. D'où l'expression « écoute active »… 

Ceci étant , il n'est pas question de se substituer à des cours classiques de tango. Le but est d'être présent en complément sur des sujets sur lesquels les professeurs n'ont pas le temps de développer en cours pour différentes raisons. Il n'est pas prévu de faire acquérir des figures aux participants mais de les aider à utiliser le vocabulaire qu'ils connaissent déjà et à le gérer en fonction de la musique. 

La première séance est généralement consacrée à un balayage général de l'évolution du tango dans ses grandes lignes. (extraits musicaux) , la présentation  de la structure traditionnelle d'un tango le tout entrecoupé quelques exercices simples de musicalité (les plus simples et les plus importants). 

Pour la suite,  est envisagé un travail plus fouillé consacré à un musicien ou un des musiciens d'un même style (exemple Canaro Lomuto, ou Di Sarli- Fresedo-Sassonne) avec une analyse plus fine de la structure orchestrale, des arrangements caractéristiques, etc… 

La même grille d'exercices de musicalité est utilisée à chaque fois, avec des difficultés rencontrées différentes selon les musiciens. 

Un travail d'analyse d'interprétations chorégraphiques du même titre par des danseurs de styles différents pourra être réalisé à partir de supports vidéos. 

Et surtout un travail de recherche d'interprétations de séquences musicales sera proposé aux participants. Le but n'est pas de chorégraphier de manière figée mais justement de « chorégraphier » en improvisation sur la base d'une écoute musicale plus aiguisée et plus consciente.